Parasite
En l’année 2034, l’humanité n’était plus qu’une coque vide. Son apparence avait beau ne pas avoir été altérée, elle était désormais possédée par une puissance supérieure. Ni par le divin, ni par le diable ; asservie, soumise, apprivoisée, rendue esclave par on ne sait quoi, honnie d’avoir été détrônée de son piédestal.
Cependant, les vices des hommes avaient péri en même temps que leur nature ; le mot crime avait disparu du vocabulaire quotidien.
Les gestes des uns devenaient soudainement plus raisonnables :
on disait « Bonjour » aux voisins, on ne jetait plus rien aux rues, on s’invitait à dîner, s’intéressait au destin de ses semblables. Les mensonges, les actes crapuleux et lâches, devenaient méconnus.
En quelques années, le défrichement des forêts comme la pollution des airs, océans et terres avaient cessé ; le pacifisme inédit des gens s’était manifesté par l’arrêt des guerres ; le régime alimentaire des nouveaux hommes était un végétarisme strict, l’élevage du bétail n’existait plus et les autres habitudes barbares du passé avaient sombré. Les inégalités et les injustices n’étaient plus que d’anciennes histoires, des légendes, des mythes qui ne pouvaient voir le jour dans ce paradis terrestre.
Enfin, le monde était parfait, sans défaut.
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Notes du docteur Yvan Volskotchi, 2021
Il y a peu, au sein de la NASA, des exobiologistes ont signalé, secrètement, la présence d’organismes extrêmophiles martiens, emprisonnés dans des échantillons de glace.
Cette stupéfiante et exceptionnelle découverte, qui résolvait l’énigme de la vie extraterrestre, a été étudiée dans le détail. J’ai dirigé l’équipe de chercheurs chargée d’inspecter ces fossiles vivants, et nos résultats sont suffisamment inquiétants pour inciter les pays à déclencher l’état d’urgence.
En premier lieu, le fait que des formes de vie aient survécu aussi longtemps dans des conditions aussi rudes témoigne d’une robustesse absolument incroyable, qui ne peut être comparée à aucune espèce vivante terrestre connue. En effet, on estime que ce parasite a été enfermé dans la glace depuis la disparition de l’eau liquide vers Mars, soit, en unité l’année, il y a un ou deux milliards. L’arrêt progressif de sa prolifération, apparemment explosive à son époque, ne semble pas être dû à des facteurs externes, tel que la privation de l’eau liquide, auquel il n’est pas inféodé [...] Ce serait plutôt l’extinction des espèces qu’il côtoyait, ce parasite étant complètement dépendant de la biomasse disponible.
Cette dernière hypothèse est illustrée lorsqu’on remarque que le parasite se diversfie sous la forme de fonctionnements biologiques et d’apparences très différents : il s’introduit littéralement « dans » les espèces, et se les approprie. [...]
Lorsqu’on le met en contact avec un organisme étranger, on peut observer au microscope son activation fulgurant : presque immédiatement, il se met à produire des « spores » globuleux et les administre à l’intérieur du corps de l’organisme étranger, qu’importe dans quelles mesures ce dernier est différent d’un point de vue chimique. Lorsqu’il a été contaminé, toutes les particularités de l’espèce sont alors acquises, et le nouveau parasite se met en quête de congénères non contaminés. Les mêmes observations peuvent être faites si l’on place des rats, ou n’importe quelle espèce vivante, y compris l’homme. La méthode de contamination fait penser à celle des champignons terrestres [...] L’organisation prononcée du parasite fait notamment conjecturer qu’il s’agit d’une conscience collective très évoluée. [...]
Les astronautes partis sur mars n’ont pas fait l’objet d’un contrôle strict [...] Les bactéries emportées lors du voyage pourraient être touchées. Peut-être qu’en ce moment même, le parasite est entrain de se développer au sein des populations. Nous n’aurions alors aucun moyen de détecter sa présence, car les méthodes de fonctionnement des cellules saines et celles infectées sont identiques.
En à peine dix ans, l’humanité serait entièrement contrôlée par le parasite. Seuls quelques immunisés, infime fraction de la population, pourraient constituer une protection relative contre les agissements du parasite.
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Au procès Pignon, organisé en Espagne, on accusait un homme quelconque de calomnies et d’injures contre les forces de l’ordre. La singularité de ce procès est que cette banalité avait fait réunir toute une assemblée de haut placés.
Le pauvre homme fut alors transféré dans un pays où la peine de mort n’était pas abolie.
Ce que l’on pouvait percevoir, ou plutôt sentir, c’est qu’une odeur de moisi régnait dans la salle d’audience.
Je partage votre façon d’écrire, elle est très juste et très claire. La science-fiction d’aujourd’hui est sans doute la réalité de demain. Mes écrits sont moins futuristes que les vôtres, mais, j »aimerais beaucoup que vous alliez jeter un coup d’oeil sur mes textes et peut-être me dire ce que vous en pensez…
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